lundi 12 décembre 2011

Sizaire et Servais légalisent l'utilisation de l'épuisette (1887)

Le 28 Juin 1887, sur la commune de Charleville, Sizaire et Servais, qui pêchent à la ligne dans la Meuse, se voient verbalisés pour avoir utilisé une épuisette afin de sortir un poisson de l'eau alors que celui-ci était déjà accroché à l'hameçon.
Dans son jugement du 20 juillet 1887, la cour correctionnelle de Charleville, condamne les prévenus Sizaire et Servais pour avoir contrevenu aux réglements sur la police de la pêche (art. 1er et 5 de la loi du 15 avril 1829) en pêchant avec un engin autre que la ligne flotante.
Face à cette décision pour le moins inattendue, Sizaire et Servais interjetent appel auprès de la cour de cassation.
Par son jugement du 8 Décembre 1887, la cour de cassation de Nancy non seulement rétablit les prévenus Sizaire et Servais dans leur droit, mais aussi, émet un jugement qui fera jurisprudence.
Par leur action, et à leur corps défendant - il faut bien l'admettre -, Sizaire et Servais, ont changé le droit et ont permis la légalisation de l'utilsation de l'épuisette dans la pêche à la ligne flottante dans les rivières. Les pêcheurs amateurs d'aujourd'hui leur doivent, par cette action, un fière chandelle !
Malheureusement, les jugements de la cour correctionnelle et de la cour de cassation ne permettent pas d'établir l'identité réelle du Sizaire cité. Aussi, si vous possédez une information permettant de l'identifier, nous vous remercions de nous contacter.
Patrick
 
Voici le jugement de la cour de cassation de Nancy du 8 décembre 1887.
 
Nancy 8 décembre 1887
PÊCHE, PÊCHE FLUVIALE, LIGNE FLOTTANTE, EPUISETTE.
Le fait par le pêcheur à la ligne flottante de se servir, pour tirer hors de l'eau le poisson pris avec la ligne, d'un filet auxiliaire dit épuisette, ne constitue pas une infraction aux dispositions de l'art. 5 de la loi du 15 avril 1829, qui interdit, dans les rivières et les canaux navigables, tout autre mode de pêche que la pêche à la ligne flottante tenue à la main et échappe par la suite à toute répréssion(2). L. 15 avril 1829, art 1er, 5 et 28).
(Sizaire et Servais).
MM Sizaire et Servais ont interjeté appel du jugement correctionnel de Charleville , en date du 20 juillet 1887, rapporté P. 1887.1.1005.-S. 1887.2.198.
 
ARRET
LA COUR; 
- Attendu que les faits relevés à la charge des deux prévenus ne présentent, ni en fait ni en droit, les caractères des infractions prévues et réprimées par les art. 5 et 28 de la loi du 15 avril 1829; que si Sizaire et Servais ont fait usage de l'instrument connu sous le nom d'épuisette et décrit au procès-verbal, ils ne s'en sont nullement servis, à l'exclusion de tout autre engin de pêche, dans le but de rechercher et de capturer le poisson, alors que celui-ci se trouvait encore hors d'atteinte et circulait librement dans les eaux de la rivière; qu'ils n'ont, au contraire, employé cet adjuvant que pour faire sortir de l'eau et saisir plus facilement le poisson, qu'ils avaient licitement enferré à l'aide de la ligne flottante, et dont la possession légitime et l'appropriation ne pouvaient leur être contestées aussi longtemps que le poisson restait attaché à la ligne;
- Attendu qu'utilisée dans de semblables conditions, l'épuisette ne peut être considérée comme un mode ou un engin de pêche prohibé, distincte de la ligne flottante et substituée à celle-ci pour la recherche ou la poursuite du poisson; qu'au moment, en effet, où le pêcheur y a recours et la fait intervenir, l'acte de pêche, tendant à arrêter et à retenir le poisson, est déjà accompli et consommé; qu'on ne doit donc voir, en réalité, dans l'épuisette, que l'équivalent et le prolongement véritable de la main même du pêcheur  la ligne, dont on ne saurait raisonnablement lui interdire l'emploi, quand il ne s'agit plus, après la capture faite, que de s'en assurer le profit;
- Attendu, d'autre part, que, si l'interprétation contraire admise par les premiers juges devait prévaloir, et faire interdire, par la suite, aux pêcheurs à la ligne flottante, soit l'usage de l'épuisette, soit même l'emploi de leur propre main pour saisir le poisson de toute dimension déjà enferré par l'hameçon, il faudrait en conclure, ce qui est inadmissible, que le législateur n'a entendu concéder aux amateurs de ce mode de pêche, autorisé par lui, que les apparences et les illusions d'un plaisir qui ne serait le plus souvent qu'un idéal et purement platonique;
- Attendu, enfin, qu'en matière pénale, où tout est de droit étroit, les infractions punissables ne peuvent résulter que de dispositions prohibitives, explicites et formelles; que c'est donc le cas de relaxer les prévenus Sizaire et Servais, et de les décharger des condamnations contre eux prononcées;
- Par ces motifs;
- Faisant droit à l'appel des prévenus;
- Décharge Sizaire et Servais des condamnations contre eux prononcées, etc.
Du 8 déc. 1887.
C. Nancy, ch. corr. - MM. Angenoux, prés.; Luxer, av. gén. (concl. contr.); Lacaille, av.
Références:

Titre : Journal du Palais (Paris)
Titre : Journal du Palais : contenant les jugemens du Tribunal de cassation, et des tribunaux d'appel de Paris et des départemens, dans les principales causes et questions que les lois nouvelles rendent douteuses et difficiles
Éditeur : au bureau du journal (Paris)
Éditeur : Journal du Palais (Paris)
Date d'édition : 1801-1923
Droits : domaine public
Identifiant : ISSN 02426927
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, 4-F-57
Pages : 1005 et 1028

1 commentaire:

  1. Mystère résolu: voir http://sizaire.blogspot.fr/2013/01/eugene-sizaire-et-clement-servais.html

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